Black Island est une fable doublée d’une invitation à un voyage. Paul de Flers nous transporte dans une uchronie : un espace réel à un décor rêvé ou fantasmé, hors du temps.
L’ile de Pico qui est l’une des extrémités du triangle de l’archipel des Açores. Un volcan écrase toute l’île de sa stature solennelle. De la lave à perte de vue, le sol n’est constitué que de pierres brulées, recouvrant d’une croûte noire et de végétation volcanique le versant occidental de l’Île. Ses rivages ont façonné chez l’artiste une multitude de mythes et légendes.
Dans les peintures de Paul de Flers, aux allures de paradis perdu, l’atmosphère est orageuse, enivrante. Par ses couleurs très fondues, ses contours flous, les scènes dégagent une impression d’assister à un instant intime, à travers la fenêtre embuée du souvenir.
L’écrivain voyageur Raul Brandão écrivait, à la fin du XIXème siècle, à propos de l’île « d’une beauté unique, d’une couleur admirable, elle exerce sur le visiteur un étrange pouvoir d’attraction ». La peinture de Paul de Flers embrasse cette fascination. Le spectateur devient voyeur face aux figures sans visage dépeintes par l’artiste.
Ces peintures évoquent un Edward Hopper transposé dans la nature, nimbée de brume onirique. Le flou fait référence à quelque chose de l’ordre de la mémoire sensorielle. On y retrouve aussi dans la symbolique du volcan la fascination enfantine devant son potentiel énergétique, à l’image de celui de l’enfant lui-même, et fait allusion à notre propre violence intérieure.
On ne passe pas à côté du contraste né entre le nom de la montagne qui donne son titre à l’exposition et cette espèce de clarté, de douceur. La palette avec sa dominante de bleu très apaisant fait penser aux œuvres d’Auguste Macke, jeune maître expressionniste qui, à la fin de sa vie se dédia aux motifs de la nature et de l’homme, à l’instar de Paul de Flers.
— Milena Oldfield, Researcher & Editorial Coordinator at Almine Rech