Almine Rech Bruxelles a le plaisir de présenter 'In my cloud (NO birds)', la troisième exposition personnelle de Jenny Brosinski à la galerie, du 12 juin au 26 juillet 2025.
Avec In my cloud (no birds), Jenny Brosinski unit peinture et sculpture pour créer un cosmos où matériaux et couleurs – entourés d'espace vide – révèlent leur présence même. Que voit-on dans ces nuages de l'artiste, et que signifie l'absence d'oiseaux ? Que se passe-t-il quand quelque chose manque, et comment gérer ce vide ? Brosinski aborde ces questions par son style unique : le minimalisme sale. Son travail, à la fois réduit et expressif, minime et foisonnant par le geste humain, présente toujours un aspect brut. Les nuages, ou plutôt l'air, deviennent fluides et perceptibles. Il n'y a pas de surcharge : l'accent porte sur la peinture qui va droit à l'essentiel. Il s'agit de l'essence de l'existence, qui peut également s'adapter à l'absence.
Mais tout d'abord, soyons précis : la plupart des sculptures sont faites en bois de pin provenant du jardin de l'artiste. De gros troncs sciés, à la surface fibreuse, où les tons bruns naturels s'apparentent aux dernières flammes. Les lignes et les triangles évoquent des bouches et des dents pointues – des montres, des dragons ou des dinosaures cachés sous l'écorce. Ici, la sensibilité figurative et féérique de Brosinski entre en jeu. On y trouve des créatures qui vacillent entre sculpture abstraite et compagnons d'enfance qui frôlent la mémoire.
Le rugueux du bois apporte aussi une dimension métaphysique, évoquant les thèmes de la mort, de la fugacité, du devenir, de la croissance et de la décomposition. Le bois est un nouveau matériau chez Brosinski, qui auparavant taillait la pierre ou moulait dans le bronze. Le bois est moins durable, mais plus familier, marqué par des anneaux de croissance et une vulnérabilité tactile.
La seule sculpture de pierre au sein de l'exposition est plus concrète, surtout dans le dessin de la bouche, qui tend vers la figuration. Ceci lui donne une qualité de monument, de quelque chose de durable, rappelant la nature éphémère des êtres en bois alentour. Des carrés gravés dans sa surface guident le regard vers les peintures accrochées aux murs, créant un lien les deux ensembles d'œuvres.
Le vocabulaire visuel de Brosinski comprend des lignes, des points, des griffonnages et d'autres marques gestuelles, fondations à partir desquelles elle compose sa grammaire esthétique. Ce qui apparaît comme spontané est en fait le fruit de choix délibérés. Avec fly from what not serves you, l'action se concentre sur la partie basse de la toile. Un organisme d'un rouge flamboyant jaillit vers des montagnes blanches comme du sucre qui se dressent, pleines d'espoir, et s'étire sur la gauche vers les ombres du passé. Un « P » lumineux change la perspective, nous rappelant que nous regardons une ligne verte et un arc rouge, et que l'illusion ne tient qu'à de la couleur et des marques.
Que Red Horse représente un cheval ou non, ou que l'abstraction distille simplement le dynamisme du cheval, comme de la vapeur, dépend du spectateur et de sa volonté à plonger dans l'eau froide et informe.
L'utilisation de lin sombre est un nouveau tournant chez Brosinski. Jusqu'ici, elle travaillait sur des tissus de coton plus clairs qui reflétaient une esthétique plus fraîche, plus contemporaine. Le lin sombre, quant à lui, est ancré dans l'histoire de l'art. Joan Miró l'utilisait pour peindre ses formes ludiques, tout comme Jackson Pollock pour ses peintures en dripping. Le fond plus ou moins marron est étroitement associé au XXe siècle, raison pour laquelle Brosinski l'avait toujours évité. Désormais, elle y voit un lien puissant avec la nature, en particulier quand il s'allie au bois. Il apporte un sentiment de profondeur, permettant à sa palette de jaune, de blanc et de rose de créer des effets plus intenses, tout en restant fidèle à son style minimaliste sale.
In my cloud (no birds) fait en partie référence à Cloud and Birds de Miró – une abstraction légère et flottante sur lin sombre. Mais aujourd'hui, le terme « cloud » – ou « nuage » – évoque également le stockage numérique de nos vies, ainsi que l'angoisse croissante de perdre de l'espace et des souvenirs.
Le nuage, comme les nombreux espaces vides des peintures de Brosinski et de l'espace même de l'exposition, souligne un thème récurrent dans son travail : le vide. Dans le monde occidental, le vide prend souvent des connotations pathologiques, lié à la dépression et traité par des médicaments ou des distractions, tandis que l'accomplissement est encouragé comme le but ultime de la société capitaliste. Dans la pensée bouddhiste, c'est l'inverse : le vide est perçu comme l'idéal méditatif, un état qui libère l'esprit de la douleur, de l'inquiétude et de la souffrance. C'est au sein de cette contradiction que se trouve une vérité plus difficile, mais aussi plus profonde.
Pour Brosinski, le vide joue également un rôle essentiel dans son procédé pictural. « Je fais constamment face au vide dont je souffre, dans ma peinture comme dans ma vie. » Mais la solitude et le vide deviennent pour elle, encore et toujours, des sources d'énergie – et on retrouve cette énergie dans son œuvre. De ces vides consciemment utilisés, la couleur et la forme émergent telles des geysers chauds – chargés, vitaux, vivants.
— Larissa Kikol, critique d'art indépendante, historienne de l'art et autrice