Nature's Reflections

Constricted within a dual vision, the Western concept of nature has long been defined by two attitudes: Orphic and Promethean. While the former advocates that humans should rekindle their bond with nature – not as a denial of its evolution but more as an assertion of a renewed communion between species, the latter defends a positivist ideology of controlling it. Whether there is a yearning for immersion or nature is perceived as a resource to be exploited, there prevails a wish to lift the veil over it, following the belief that "nature loves to hide", to quote Heraclitus.

The artworks in the exhibition Nature’s Reflections, at Almine Rech Monaco, place these two stances back to back. The artists do not attempt to domesticate or elucidate nature's mysterious secrets, but delve into the specifics of stories, places or even fictions that define our perceptions of the environment at a time when our ways of life are drastically affecting the planet's balance. The works, such as Miquel Barceló's paintings, with no horizon and infinite light variations, present an art form that plays with reflecting surfaces and a shifting gaze. Beyond the anthropocentricism and instrumental thoughts that alienate life on earth, these works draw on the language of matter, not with an aim to sacralise nature or set in a reassuring sublime landscape framework, but indeed to decentralise mankind from its dominating position.

This is the case of Barceló's ceramics, which explore the life of matter and of the elements, while trying to follow its swell, decay and altering effects, or of the Belgian sculptor Johan Creten's fabulous bestiary, where everything is swarming, breathing and perspiring. Everywhere, movement frozen by fire forms a loop that revives age-old eras and imagines stories beyond the facts. For, by defining the world (mundus) as that which is "clean, pure and orderly", the West has gradually rejected half of life matter like a repulsive heritage, waging war against many human and non-human life forms. Thu Van Tran's drawing series Trail Dust addresses our relationship with historical, economic and political memory. Behind the poetic title evoking an atmosphere, there is actually destruction at play, reducing nature to ashes. Trail Dust was indeed the code name given by the US army to its deadly spraying of rainbow herbicides during the Vietnam War. In answer to this sugar-coated colonial language, Tia-Thuy Nguyen's works display shimmering skies. As an air pilot's daughter, the Hanoi-born artist paints broad horizons as seen from a cockpit in a dichotomy between serenity and waking nightmare for, behind the clouds, an enemy may be hiding. The Impressionism-inspired light and atmosphere variations echo the colourist painter Jean-Baptiste Bernadet's sunset pink and purple hues, or John McAllister's dreamed landscapes, which exacerbate the picturesque and artificial aspects of the vantage points.

It is therefore not nature – a concept invented by humans to differentiate itself from the rest thanks to culture – that the exhibition artworks represent, but its reflection, our reflection, i.e. our gaze, upon it. In this way, Eric Croes's mirrors bring us back to our very condition as moderns, locking the view into a loop. These same eyes, the livings' ocular globes, are also found in Anthony Miler's pared-down pictures. From still lifes to Romantic landscapes, the way art history has dealt with nature is telling of how we have considered our ecosystems: inert, hostile, sublime, ornamental, exploitable. Reintegrating the notion of cycle, Ugo Rondinone's polyurethane mask MOONRISE aims to reverse the order of things and perspectives, while Gregor Hildebrandt furthers the recycling process with Flore, a mosaic made with cut vinyls and scattered with coins.

The artworks in the exhibition Nature’s Reflections are an invitation to reflect on the cultural conditioning of our own gaze, to pay attention to what usually escapes us or remains invisible.

- Marion Zilio, Art critic and exhibition curator

Longtemps engoncé dans une vision duale, le concept de nature en Occident distinguait deux attitudes : orphique et prométhéenne. Si la première prône un retour de l’humain à la nature, non tant pour renier son évolution que pour affirmer une communion recouvrée entre les espèces, la seconde rejoue l’idéologie positiviste de sa maîtrise. Qu’une volonté d’immersion s’empare des êtres ou que la nature fasse l’objet d’une ressource à exploiter, chaque fois s’exprime le désir de lever le voile d’une « nature qui aime à se cacher », selon les mots d’Héraclite.

Les œuvres de l’exposition Nature’s Reflections, présentées à Almine Rech Monaco, mettent dos à dos ces deux postures. Les artistes ne cherchent pas à domestiquer ni à percer les secrets d’une nature mystérieuse,mais plutôt à pénétrer la spécificité des histoires, des lieux, ou encore des fictions qui définissent nos perceptions de l’environnement, à l’heure où nos modes d’existence bouleversent l’équilibre de la planète. Telle la peinture de Miquel Barceló, sans horizon et toutes en variations de lumière, les œuvres inaugurent un art des surfaces réfléchissantes et des glissements du regard. Par-delà l’anthropocentrisme et la pensée instrumentale qui aliènent le vivant, elles puisent dans le langage de la matière, non pour sacraliser la nature ou l’enfermer dans le cadre rassurant d’un sublime paysage, mais bien pour décentrer l’humain de sa position dominante.

Ainsi des céramiques de l’artiste espagnol qui explorent la vie de la matière et des éléments, en tentant d’accompagner sa houle, ses effets de décomposition et d’altération, ou encore du fabuleux bestiaire du sculpteur belge Johan Creten, oùtout grouille, respire et transpire. Ici comme là, le mouvement figé par le feu forme une boucle qui ravive des temps immémoriaux et fabulent d’autres récits que ceux officiels. Car en définissant le monde (mundus) comme ce qui est « propre, pur et ordonné », l’Occident a peu à peu renié la moitié de la matière de la vie dans les legs de l’immonde déclarant ainsi la guerre à de nombreuses existences humaines et non-humaines. La série de dessins Trail Dust de Thu Van Tran travaille en cela notre rapport à la mémoire historique, économique et politique. Sous la poésie d’une « trainée de poussière » évoquant l’éphémère, se trouve en réalité une opération de destruction réduisant la nature en cendre. Trail Dust fut en effet le nom de code donné par l’armée américaine à ses épandages meurtriers d’herbicides arc-en-ciel pendant la guerre du Viêt Nam. À cette linguistique coloniale édulcorée répondent les ciels et les scintillements des œuvres de Tia-Thuy Nguyen. Fille de pilote d’avion, l’artiste originaire d’Hanoï peint de large horizon à vue de cockpit, dans une dichotomie entre sérénité et cauchemar éveillé, car derrière les nuages se dissimule peut-être un ennemi. Les variations de lumière et d’atmosphère, inspirées des impressionnistes, font échos aux teintes roses et violettes typiques des couchés de soleil du peintre coloriste Jean-Baptiste Bernadet, ou aux paysages rêvés de John McAllister qui exacerbent la dimension pittoresque et artificielle des points de vue.

Ce n’est donc pas la nature, concept inventé par l’humain pour s’en distinguer grâce à la culture, que les œuvres de l’exposition nous donnent à voir, mais son reflet, sa réflexion, c’est-à-dire le regard que nous portons sur elle. Les miroirs d’Eric Croes nous rappellent en cela à notre propre condition de modernes, en bouclant la vue sur elle-même. Ce sont encore ces yeux, ocelles du monde vivant, que l’on retrouve dans les tableaux épurés d’Anthony Miler. Des natures mortes aux paysages du Romantisme, la façon dont l’histoire de l’art traita la nature en dit long sur nos manières de considérer nos écosystèmes : inertes, hostiles, sublimes, décoratifs, exploitables. Réintégrant l’idée de cycle, le masque en polyuréthane MOONRISE d’Ugo Rondinone tend à inverser l’ordre des choses et des points de vue, quand Gregor Hildebrandt poursuit l’opération de recyclage avec Flore, une mosaïque réalisée à partir de vinyles découpés et constellée de pièces de monnaie.

Les œuvres de l’exposition Nature’s Reflections nous invitent en définitive à réfléchir au conditionnement culturel de notre propre regard, en se rendant attentives et attentifs à ce qui d’ordinaire échappe ou demeure invisible.

- Marion Zilio, Critique d'art et commissaire d'exposition