Gordon Cheung Les Portes du Possible / A gateway to possible worlds

"Science fiction is the art of the possible," said Ray Bradbury. Operating under the guise of anticipation, it speaks to us about the present, serving as a laboratory of hypotheses that manipulate and extrapolate the repressive norms and dogmas of the current world, encompassing its ambitions, social struggles, opportunities, and dangers.

Over the past few decades, a "liquid" form of the present has emerged, disintegrating our certainties and habits, accelerating the pace of discoveries and rendering them obsolete. In this volatile context, numerous artists find inspiration in the realm of science fiction to undertake critical reflections. Unlike other genres, it has the ability to more subtly and profoundly question the potential of humanity by transcending the boundaries between science, ethics, and politics, allowing for an "external" perspective on humanity and its inventions.

By exploring the potentials of the present, by constructing narratives based on scientific hypotheses or envisioning unprecedented ways of life and realities, science fiction emerges as a genre that confronts humanity with radical otherness. It offers liberation from dominant political discourses, embodies difference, political utopia, and a profound renewal of our perceptions. Consequently, it has always served as a fertile ground for protest movements.

Speculative fiction unsettles us, propels us forward by evoking fear, and challenges the ramparts of our habits and conscience. Despite operating from the fringes, the themes it addresses lie at the core of contemporary societal issues that affect us all: social fragmentation, rampant capitalism, new forms of panopticism and totalitarianism, alienation, trans-/post-humanism, the dissolution of gender boundaries, colonialism, and, of course, ecological disasters and human obsolescence. However, since the historic Science-fiction exhibition organized by Harald Szeemann in 1967/68 at the Kunsthalle in Bern, the Museum of Decorative Arts in Paris, and the Kunsthalle in Düsseldorf, when SF was at its peak, few large-scale projects have been dedicated to its fruitful union with art.

Bringing together approximately 180 works spanning from the late 1960s to the present, the exhibition "Les Portes du possible: Art & Science Fiction" will explore over 2,300 square meters the intersections between imagined universes and reality, involving visual artists, writers, architects, and filmmakers. Operating in a self-fulfilling prophecy manner, science fiction continues to shape our visions of the future and actively participates in its construction. By altering our imagination and semantics, it also has the power to influence the trajectory of societies. The exhibition, rather than focusing solely on the dominant dystopian prism, will strive to revitalize and intentionally reclaim the future.

"La science-fiction est l'art du possible", a déclaré Ray Bradbury. Opérant sous le couvert de l'anticipation, elle nous parle du présent en tant que laboratoire d'hypothèses qui manipulent et extrapolent les normes répressives et les dogmes du monde actuel, englobant ses ambitions, ses luttes sociales, ses opportunités et ses dangers.

Au cours des dernières décennies, une forme "liquide" du présent a émergé, désintégrant nos certitudes et nos habitudes, accélérant à la fois les découvertes et leur obsolescence. Dans ce contexte instable, de nombreux artistes trouvent leur inspiration dans le domaine de la science-fiction pour mener des réflexions critiques. Contrairement à d'autres genres, elle a la capacité de questionner de manière plus subtile et profonde le potentiel de l'humanité en transcendant les frontières entre la science, l'éthique et la politique, permettant ainsi une perspective "externe" sur l'humanité et ses inventions.

En explorant les potentialités du présent, en construisant des récits basés sur des hypothèses scientifiques ou en envisageant des modes de vie et des réalités inédites, la science-fiction émerge en tant que genre qui confronte l'humanité à une altérité radicale. Elle offre une libération vis-à-vis des discours politiques dominants, incarne la différence, l'utopie politique et un renouvellement profond de nos perceptions. Par conséquent, elle a toujours été un terrain fertile pour les mouvements de contestation.

La fiction spéculative nous dérange, nous fait avancer en nous effrayant et remet en question les remparts de nos habitudes et de notre conscience. Bien qu'elle agisse depuis les marges, les thèmes qu'elle aborde sont au cœur des enjeux sociétaux contemporains qui nous concernent tous : fragmentation sociale, capitalisme effréné, nouvelles formes de panoptisme et de totalitarisme, aliénation, trans-/post-humanisme, dissolution des frontières de genre, colonialisme et, bien sûr, catastrophes écologiques et obsolescence humaine. Cependant, depuis l'exposition historique sur la science-fiction organisée par Harald Szeemann en 1967/68 à la Kunsthalle de Berne, au Musée des Arts Décoratifs de Paris et à la Kunsthalle de Düsseldorf, à une époque où la SF était à son apogée, peu de projets à grande échelle ont été consacrés à son mariage fructueux avec l'art.

Réunissant environ 180 œuvres allant de la fin des années 1960 à nos jours, l'exposition "Les Portes du possible : Art & Science Fiction" explorera sur plus de 2 300 mètres carrés les intersections entre univers imaginaires et réalité, en faisant appel à des artistes visuels, des écrivains, des architectes et des cinéastes. Opérant selon un mode de prophétie autoréalisatrice, la science-fiction continue de façonner nos visions de l'avenir et participe activement à sa construction. En modifiant notre imagination et notre sémantique, elle a également le pouvoir d'influencer la trajectoire des sociétés. L'exposition, loin de se focaliser uniquement sur le prisme dystopique dominant, s'efforcera de revitaliser et de réapproprier intentionnellement le futur.