Hajime Sorayama LABYRINTH

In the word creature, there is create. Hajime Sorayama creates creatures, like a mischievous Pygmalion, chiseling muscles that shimmer under the skin, shaping pearlescent lips and necks, from which he extracts, with a touch of sensuality, his steel Galateas. For Hajime Sorayama's recent paintings take on a narrative dimension, taking inspiration from a collective memory haunted by androids and pin-ups, carnal and chrome-like sylphs. Once again, we see the obsessive theme of the female body, depicted like a leitmotiv that lends the work its cohesion through continuity.

Born in 1947 in Japan, an independent illustrator from 1972, the artist soon elaborated a singular style, with cyber-erotic tones, which brought him worldwide fame in the 1980s. "I draw metals to depict a woman's softness  [1]." This is what his painting voluptuously manipulates, this discordance between steel and skin, the sharp and the smooth, tekhne and erotica, calling on the viewer's culture and memory to bear witness as if against the grain. Hence, Marilyn with her flying skirt is a hackneyed image, but here, this retro-futuristic glamor, outside of post-humanist aesthetics, invites us to a parasensory gentleness, from an unknown time and place.

All this has no limits other than those of a creative jubilation, a fully conscious hedonism, full of chimaeras, tall dolls, silky robots. Semantic dissonances that fuel fantasy: such is, it seems, the signature choice of the artist's highly personal realism, where the incandescence of a silvery Marilyn, of a likely absinth fairy, of a callipygous bather or a Barbarella in thigh-high metal boots is haloed in greens, turquoise, surreal purples, letting us know, like at the end of a somewhat cruel tale designed to conjure up desire and fear, that it's not true, it's “not for real”.  “They are full of lies [2]”, admits their master, Hajime Sorayama…

“Full of lies”, they certainly are, up to his latest sculptures and installations, blending fiberglass, Perspex and stainless steel. But how dare we alienate them? For robots and androids are usually slaves – potentially sex slaves, to which free will is altogether denied, as illustrated namely by the American Paolo Bacigalupi (b. 1972) in his novel The Windup Girl. But, having reached a certain level of complexity, artificial intelligence has gained a kind of conscience, albeit green... And this is being played with here with these Future Eves  [3], nestled in their cages, as it were: possibly no art more than that of robotics has ever had as its core inspiration the relations between humankind and its electro-mechanical creations, be they shaped in its image or an expression in its place of a radical – perhaps imperious – otherness.

Woman-sex despotism, somewhat softened in Hajime Sorayama's paintings by this shimmering, translucent matter, which, when scratched, can imprint the marks of time on the depicted bodies. Blurry brushworks, chromatic subtleties, nuanced palette... In all this, there is something akin to an exhumed lost future revealed by some visual archaeology, outside of the screaming clichés of modernity: unless being modern actually means that we acknowledge the legacy and find a place in a continuity?

— Paloma Hermine Hidalgo

[1]. Hajime Sorayama, Köln, Paris : B. Taschen, 1993.
[2]. Venin, de Hajime Sorayama,  translated from English by Nicolas Meylaender, Paris: Semic, 2004.
[3]. Cf. L'Ève future, a novel by Auguste de Villiers de L'Isle-Adam, published in 1886.

Dans créature il y a créer. Hajime Sorayama crée des créatures, à la manière d’un Pygmalion facétieux, ciselant des muscles miroitant sous la chair, modelant des lèvres nacrées, des gorges idem, dont il tire, un brin lascif, ses Galatées d’acier. Car les récentes toiles de Hajime Sorayama s’inscrivent dans une perspective narrative, puisant dans un fond de mémoire collective, hanté d’androïdes et de pin-ups, de sylphides charnelles et chromées. S’affirme, là encore, le thème obsessionnel du corps féminin, dont la représentation comme leitmotiv assure à l’œuvre sa cohérence dans la continuité.

Né en 1947 au Japon, illustrateur indépendant dès 1972, l’artiste forge bientôt un style singulier, aux accents cyber-érotiques, qui lui vaut dans les années 1980 une notoriété mondiale. « Je dessine des métaux pour dépeindre la douceur d’une femme[1] ». C’est de cela que joue voluptueusement sa peinture, de cette discordance entre l’acier et la peau, l’aigu et l’onctueux, la tekhnè et l’éros, prenant la culture et la mémoire du spectateur à témoin comme à rebrousse-poil. Ainsi : Marylin folâtrant est un vieux poncif, mais c’est ici à une suavité « para-sensorielle », hors du temps et de l’espace connus, qu’invite ce glamour rétro-futuriste, en marge d’une esthétique post-humaniste.

Tout cela sans d’autres limites que celles d’une jubilation créatrice, d’un hédonisme pleinement assumé, peuplé de chimères, de hautes poupées, de robots soyeux. Dissonances sémantiques avivant le fantasme : c’est là semble-t-il le parti pris qui signe le réalisme si personnel de l’artiste : où l’incandescence argentée d’une Monroe ; celle d’une possible fée absinthe, d’une baigneuse callipyge ou d’une Barbarella cuissardée de métal sont nimbées de verts, de turquoise, de pourpres fantastiques ; et font dire, comme au sortir d’un conte un peu cruel, pour conjurer le désir et la peur, que ce n’est « même pas vrai », que c’est « pour du faux ». « Elles sont pleines de mensonges [2]», confie leur maître Hajime Sorayama…

« Pleines de mensonges », certes, jusqu’à ces dernières sculptures et installations, mêlant fibre de verre, plexiglas et acier inoxydable. Mais de quel droit les aliène-t-on ? Car le robot comme l’androïde sont d’ordinaire des esclaves, éventuellement sexuels, auxquels on dénie tout libre-arbitre, ce qu’illustre notamment l’Américain Paolo Bacigalupi (1972-) dans son roman La Fille automate. Or, parvenue à un certain degré de complexité, l’intelligence artificielle accède à une forme de conscience, potentiellement nocive… Qu’on en juge avec ces Ève futures[3], comme blotties dans leurs cages : aucun art plus que celui de la robotique n’a sans doute placé au cœur de son inspiration les rapports de l’homme à ses œuvres mécano-électroniques, qu’elles soient façonnées à son image ou qu’elle expriment à son endroit une altérité radicale – peut-être : impérieuse.

Despotisme du sexe-femme, qu’adoucit toutefois, dans les toiles de Hajime Sorayama, cette matière satinée, translucide, laquelle permet, dès lors qu’elle est grattée, d’inscrire dans les corps représentés les stigmates du temps. Touches floutées, subtilités chromatiques, palette nuancée : il y a, en tout cela, quelque chose d’un futur disparu, exhumé, révélé par quelque archéologie picturale, hors des poncifs hurlants de la modernité : à moins qu’être moderne ce ne soit finalement reconnaître l’héritage et trouver position dans une continuité ?

— Paloma Hermine Hidalgo

[1]. Hajime Sorayama, Köln, Paris : B. Taschen, 1993.
[2]. Venin, de Hajime Sorayama, traduit de l’anglais par Nicolas Meylaender, Paris : Semic, 2004.
[3]. Cf. L'Ève future, roman d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam, publié en 1886.