Roby Dwi Antono

That Peculiar


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Almine Rech a le plaisir d’annoncer "YANG ASING ITU (THAT PECULIAR..)", exposition personnelle de l’artiste indonésien Roby Dwi Antono présentée du 8 mars au 8 avril 2023.

"YANG ASING ITU (THAT PECULIAR..)" regroupe vingt-sept nouvelles œuvres sur toile et papier, origine d’une nouvelle série mettant à l’honneur d’étranges créatures mi- humanoïdes, mi- extraterrestres (toutes de 2023). Roby a initié sa série en observant des images de kaiju, ces monstres des films de science-fiction japonais comme les blockbusters Godzilla ou Ultraman. Au cinéma, on voit ces monstres ravager des grandes villes : Roby s’en sert au contraire pour imaginer des créatures, issues de sa mémoire ou inventées, qui ne menacent aucunement le regardeur. Elles évoquent plutôt équilibre et apaisement, dans un cadre tranquille, rassurant, presque zen. Avec leurs couleurs délicates et aquatiques, relevées d’éclats de tons précieux, les créatures de Roby semblent avoir des têtes, mains sur les hanches, pieds fermement plantés au sol. Chaque créature, figurée dans une symétrie verticale, apparait debout au premier plan central de la composition, une ligne d’horizon nette en arrière-plan.

En rupture avec les images d’enfants aux yeux énormes auxquelles Roby nous avait habitués (un trio - Asa, Binar et Elea - fait toutefois une apparition dans l’expo), les nouvelles créatures de l’artiste n’ont pas d’yeux du tout. Elles se présentent à nous entourées d’une aura de connaissance aveugle. Elles incarnent plus qu’elles ne perçoivent, réceptacles de sagesse ésotérique.

Les peintures kaiju font appel à une iconographie à la fois organique et mystique, coexistence d’idéalisme et de matérialisme. Plusieurs d’entre-elles - Piteron, Chimetra, Luto et Gargantuma - figurent deux sphères flottantes, une claire et une obscure, symboles des deux faces de la lune ou de l’équilibre du yin et du yang. Ailleurs, les kaiju de Roby prennent aussi des formes issues de la vie végétale : Rijoron s’inspire d’une fleur de jasmin, Orchibara évoque une orchidée, alors que Nephentus rappelle le Kantong Semar, une plante carnivore des tropiques.

Chaque créature est mi- végétale, mi- kaiju, mi- humaine. Certaines sont présentées en coupe, leurs entrailles curieusement humaines entièrement exposées au regard. Ortigan est tranché horizontalement, comme pour une autopsie ; un œuf sphérique s’élève de son aine, symbolisant la naissance. Chez Roby, les formes végétales sont comme autant de clins d’œil visuels à ces vulves humanoïdes que l’artiste utilise comme symbole de la fécondité. Au cœur de la créature de Kotekaro, on perçoit le nez et la bouche d’un enfant - seule figuration explicitement humaine de la série – même si les yeux sont masqués par ce qui ressemble à la fois à des pétales de fleurs ou à une vulve.

Dans ces créatures humanoïdes, le regardeur pourra ressentir à la fois identification et aliénation, familiarité et éloignement, sentiments contraires mais pourtant sans conflit. Plutôt qu’à un mouvement de recul, le regardeur est incité à s’identifier / se désidentifier avec les figures dans un espace de curiosité ouverte, un peu comme un enfant peut être fasciné et séduit par les dinosaures. Dans We Are There Together, Roby dispose plusieurs personnages issus d’autres œuvres dans un arrangement qui évoque un modèle de vie collective en harmonie.

Ces tableaux se donnent une vocation curative, réparatrice, à travers l’équilibre. Ce geste induit d’empathie - projection imaginaire d’un état subjectif sur un objet - est au cœur du rapport auquel ces œuvres invitent en faisant appel à un procédé quasi-thérapeutique. Au lieu de réprimer l’étrangeté qui est en nous, les peintures nous demandent de résister à notre désir instinctif de rejeter l’étranger, l’inconnu, d’affronter l’incommensurabilité inhérente au sujet humain en acceptant l’étrangeté de notre rencontre avec l’autre.

- Geoffrey Mak, author and freelance journalist